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Intermonde    Circa art actuel - salle II - 2023
 
Texte de Marie-Pier Bocquet


Dans l’exposition Intermonde, Geneviève Roy propose un environnement ancré dans l’exploration des espaces physiques et psychiques. Ses recherches tirent profit de son parcours en tant qu’architecte – une profession qu’elle a exercée en première carrière – mais aussi d’une forme de quête identitaire l’ayant menée à sonder son rapport affectif aux lieux de son histoire. Agissant comme catalyseur d’une démarche déjà en gestation, un retour dans la maison de son enfance, au plus fort du confinement de 2020, déclenche une réflexion sur l’espace construit et la mémoire. Face au rétrécissement de la vie sociale, l’artiste imagine des dispositifs qui font écho à une soudaine plongée en soi, exploitant la dualité du dedans et du dehors, du caché et du dévoilé par des jeux de points de vue à l’attention du spectateur.

 

Dans la salle d’exposition, l’occupation de l’espace met d’emblée en lumière cette articulation intérieur/extérieur grâce à l’imposante structure de bois que l’artiste nomme « pièce-vaisseau ». En relation avec le volume de la galerie, cette pièce forme un contenant qui active les photographies murales en tant que périphérie, sortes d’environnements externes. Ces investigations photographiques sont issues d’un premier jet du corpus d’Intermonde, où la captation sur des chantiers (notamment ceux de la carrière Francon et de l’esplanade Clark) donnait lieu à des images énigmatiques, distanciées de la fonction documentaire de la photographie au profit d’évocations polysémiques. Ici, il s’agit plutôt de photomontages, où plusieurs couches de ces images forment des paysages construits. Il serait tentant d’utiliser l’adjectif irréels, mais dans la démarche de Geneviève Roy, les espaces représentés ne se distinguent pas par leur appartenance ou non au champ du réel. Ses travaux, inspirés par la psychanalytique, suggèrent plutôt que les images issues de souvenirs flous ou même de l’imagination appartiennent à une forme de réalité psychique aussi vraie que la réalité physique.

 

Tout autour de la « pièce-vaisseau » plusieurs trouées attirent le regard vers l’intérieur. Il y a là des items suggérant la vie de Roy, son travail artistique (bureau, carnets, croquis, etc.) et ses liens affectifs à certains objets-souvenirs, dont nous ne pouvons pas entièrement saisir la teneur. Qu’importe, l’ensemble suggère plutôt une conception particulière de l’espace domestique, exacerbée en 2020, et résumée par le continuum vivre-travailler-créer-rêver. En effet, l’artiste n’a pas d’atelier, n’en a jamais eu ou désiré en avoir, préférant organiser l’ensemble de ses activités dans un espace de vie aux fonctions multiples, mais unifiées. Ce rapport incarné aux lieux sous-tend « l’immeuble-appartement », une construction imbriquée en gigogne au sein de la « pièce-vaisseau », telle une boîte dans une boîte. On y retrouve, en cinq stations ou étages, des endroits marquants pour Roy, reconstruits sous forme de maquettes ou de dioramas de différentes échelles, angles et confections, selon des souvenirs datant parfois de nombreuses années. À partir de points de vue dirigés par l’emplacement et l’orientation des ouvertures, l’artiste offre une plongée simultanément retenue et voyeuse dans des territoires intimes et foisonnants, où s’opère une narration par fragments. Les associations libres entre les objets, des moments de la biographie (un séjour universitaire en France, le décès du père, un rêve d’enfant) et les déformations de la mémoire s’entremêlent.

 

Malgré l’aspect autocentré de la quête qui sous-tend le corpus d’Intermonde, Geneviève Roy propose une réflexion sur les mécanismes de la psyché au-delà de sa propre histoire. Celle-ci est le point de départ d’un travail formel où la représentation de l’espace échappe au cadre normatif de l’architecture et expose qu’elle n’est jamais neutre, perpétuellement transformée par la subjectivité de l’expérience.

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